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INTERVIEWS > Awek |
Interview réalisée le 19/10/01
par Cédric Vernet
Awek est une expression du sud-ouest qui signifie littéralement "Faire
les choses à fond". C'est un nom que ce trio blues toulousain porte à
merveille tellement leur puissance, leur énergie sur scène est
impressionnante. Nous avons rencontré Bernard Sellam (chant, guitare), Joël
Ferron (basse) et Olivier Trébel (batterie) à Valence après leur excellent
concert au Malvern et la sortie de leur nouvel album Barber Shop en juin
dernier. Awek, un groupe à découvrir vite, vite, vite ... |
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Bluesactu.com : Créé
en 1995, Awek réunit des musiciens chevronnés de la scène française. Quels
ont été vos parcours respectifs avant Awek et comment s'est faite votre
rencontre ? |
Bernard Sellam : J'ai joué avec Benoît Sourisse, Philippe Sellam, mon
frangin, des musiciens de Bill Deraîme dont Gilles Douieb,
etc.
Tout ce parcours m'a ramené sur le blues qui est une musique que
j'ai toujours écouté et apprécié. Aujourd'hui, dans un âge un peu plus
mature je suis à fond dans le blues grâce à mes deux compères d'Awek.
Olivier Trébel : Mon parcours c'est un peu de jazz et un peu de
musique africaine ... Je n'ai pas hésité à prendre un virage vers le blues
qui m'intéresse beaucoup plus humainement. C'est une musique qui est festive
et vraiment bien à jouer.
Joël Ferron : Mon parcours a été également varié au départ car j'ai
fait du jazz, du Rhythm'n'blues, j'ai aussi accompagné des chanteurs
brésiliens. Jusqu'au jour où j'ai rencontré Bernard et Olivier au sein d'un
groupe soul qui s'appelait "Les Formidables", qui a précédé Awek.
C'était un groupe très important au niveau du nombre de musiciens. Quand ce
groupe là a splitté, on a monté Awek. |
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Bluesactu.com : Barber Shop, votre dernier album est sorti en juin 2001.
Bernard, tu signes l'essentiel des compositions sur cet album hormis deux
reprises :"You Can't Judge a Book" et "Flamenco Woman". Comment se passe
l'écriture des titres et est-ce malgré tout un travail commun ? |
Bernard Sellam : De toute façon c'est toujours un travail commun.
J'ai écrit ces morceaux-là en pensant à la batterie d'Olivier et à
la Basse
de Joël. Après j'ai inventé les mélodies et les accords qui vont dessus.
C'est une musique qui n'est pas très riche harmoniquement mais qui est
surtout basée sur les mélodies et sur la création d'un son et le son d'Awek
est particulier. Il est fait du grain de la basse de Joël, du son de la
batterie d'Olivier, de ma guitare et de ma voix. C'est de toute façon un
travail collectif dans le sens où je n'aurais pas écrit ces morceaux si je
jouais avec d'autres gens, je pense pas. J'aurais fait un autre blues mais
pas celui d'Awek. |
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Bluesactu.com : Barber Shop a été salué par la presse comme votre album le plus
mûr. Avez-vous aussi le sentiment que cet album est une sorte
d'aboutissement ? |
Olivier
Trébel : Oui. Cela fait 6 ans que le groupe existe donc on a acquis une
expérience et une maturité au fil des concerts. Musicalement, c'est l'album
le plus riche parce qu'on a eu le plus de temps pour travailler en studio,
pour le préparer, l'enregistrer et le mixer. |
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Bluesactu.com : Cet album est composé intégralement en anglais. Sur le précédent
"Chess Session" on pouvait noter deux mots en français "Allons" et "Bouger".
Ca n'a pas l'air de vous tenter d'écrire en français ? |
Olivier Trébel : Non. Ca ne nous tente absolument pas. Pour nous, la
langue qui va avec le blues c'est l'anglais, c'est celle qui sonne le mieux.
A mon avis, pour écrire des textes qui sonnent bien en français il faut être
un vrai poète. Il y a très peu de gens qui arrivent à faire du blues en
chantant en français en tout cas moi je n'en connais pratiquement pas, à
part, peut-être, Bill Deraîme qui s'en est sorti sur certains morceaux ...
mais pas sur tous non plus. De toute façon on ne se pose pas la question.
C'est comme ça que ça sonne, c'est comme ça qu'on chante et puis Bernard le
chante très bien. |
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Bluesactu.com : Le magazine Rock & Folk a dit sur vous : "Le propos est de
célébrer et d'entretenir une tradition" , on imagine qu'il s'agit du
blues. Pourtant à l'écoute de votre album, j'ai plutôt eu l'impression que
votre propos était de dépasser cette tradition avec une musique très
personnelle parfois assez loin des standards de la tradition du blues.
Est-ce que je me trompe en disant cela ? |
Bernard Sellam : Non. On essaye de pousser un petit peu plus loin les
limites. C'est très difficile dans le blues d'innover parce qu'il y a une
tradition du blues avec un langage, des sonorités et des textes qui sont
bien particuliers. Pour créer, il faut respecter certaines règles.
Le problème c'est qu'il y a des gens dans le blues, rarement des musiciens
mais plutôt des gens de la presse, qui limitent cette musique, qui mettent
des barrières. On est dans le XXIe siècle et le blues doit continuer à
exister. Ce n'est pas une musique d'antiquité à mettre dans les archives. Il
faut dépoussiérer le blues. Nous le faisons avec beaucoup de modestie car on
ne peut pas prétendre être des précurseurs. Il y a plein de groupes de blues
qui ont fait des choses différentes. Aujourd'hui, au moins en France, c'est
un peu le tour d'Awek de le faire. |
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Bluesactu.com : Il y a une phrase qui m'a frappé sur votre album puisque vous
annoncez sur le livret "Réalisé sans américain". J'ai trouvé cela
assez révélateur d'une nouvelle génération de musiciens qui souhaitent
affirmer leur légitimité de bluesmen français. Qui a eu l'idée de cette
phrase et avez-vous l'impression que la France ne s'est pas affranchie de la
prédominance du blues américain ? |
Bernard Sellam : Au premier degré,
il y a un grand clin d'oeil à des copains. C'est vrai qu'il y a eu toute une
époque, pas que dans le blues mais en France en général, où pour vendre, on
lisait sur les pochettes "Réalisé avec tel artiste américain". Nous n'avons
pas de grands potes américains très connus qui jouent du blues et on a voulu
assumer ça jusqu'au bout. Au départ, le blues était une musique de noirs,
aujourd'hui c'est une musique multiraciale et je ne vois pas pourquoi elle
ne pourrait pas être jouée pas des français ou des chinois, peu importe !
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Bluesactu.com : Pour jouer du blues, pour intégrer de grands festivals par
exemple, est-ce que c'est encore aujourd'hui une barrière d'être français ou
non ? |
Olivier
Trébel : Oui ça peut être une barrière mais pas forcément pour les
festivals, plutôt pour des labels. Je pense à certains que je préfère ne pas
citer ... Alors c'est vrai qu'il y a des gros festivals qui continuent
à ne prendre que des américains et qui sous estiment les groupes de blues
français en les mettant en premières parties, ce qui est déjà bien
d'ailleurs. Mais c'est dommage quand ça ne dépasse jamais ce stade là. |
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