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INTERVIEWS > Franck Cheval

Interview réalisée le 12/02/98
par Nans Mollaret et Cédric Vernet
              

Domicilié à Romans (St Michel sur Savasse), Franck CHEVAL est luthier depuis 1981. Ses guitares accompagnent ou ont accompagné en tournée des musiciens de renom comme Marcel DADI, Francis CABREL, Steve WARING, Mickaël JONES, etc.
Après une carrière d'autodidacte, Franck CHEVAL a su se faire une place de choix dans la lutherie française.
Il fût le premier invité en direct de notre émission, le 21 février 1998.

 
Bluesactu.com : Le métier de la lutherie englobe plusieurs facettes. Comment définiriez-vous votre activité ?

Franck Cheval : Le métier de la lutherie englobe en effet plusieurs activités. Il y a tout d'abord le coté restauration, réparation. Il y a ensuite l'activité de fabrication des guitares.
Je suis plus fabricant que restaurateur même si mon atelier étant un atelier de campagne, je suis obligé de faire du service. De plus, ayant un peu de personnel (ma femme et une employée), cela leur donne une activité plus régulière.
Ensuite, je dirais que l'activité de l'atelier, par rapport à des collègues qui font le même métier que moi, c'est aussi les rapports humains. La magie de la guitare c'est qu'elle englobe plusieurs instruments différents. Elle peut être un instrument baroque comme une guitare en fibres de carbone. Il y a un espèce de voyage entre les matériaux, les formes et les couleurs ce qui appelle différentes techniques.
Moi, je pourrais être considéré comme un luthier traditionaliste avec une lutherie américaine puisque je fabrique surtout des guitares acoustiques folk, notamment pour Francis Cabrel, Steve Waring ou Mickaël Jones, entres autres. Je fais également  des guitares de jazz qui sont un espèce d'hybride entre une guitare et un violon, donc avec une table voûtée et des ouïes.

 
Bluesactu.com : Vous en avez d'ailleurs fabriqué une qui est devenue célèbre pour Marcel Dadi ?

Franck Cheval : Exactement. C'était une guitare très décorée d'un goût très Nashvillien comme l'esprit de sa musique. Cet instrument a marqué un tournant dans l'histoire de l'atelier puisqu'elle a été très médiatisée.

 
Bluesactu.com : En 1974, vous partez au Canada, à Toronto. Pour quelles raisons avez-vous décidé de partir ?

Franck Cheval : C'était une démarche qui me paraissait logique après le lycée pour pouvoir progresser en guitare. Ca me faisait moins peur que les États-Unis. J'y suis allé pour rencontré des musiciens.

 
Bluesactu.com : Vous aviez fait des études de guitare ?

Franck Cheval : Non. Je jouais ce qui se jouait à l'époque. Les grèves de lycées me faisaient terriblement progresser ! Mon répertoire était tout le folk du début des années 70 : Bob Dylan, Joan Baez, Leonard Cohen, etc. Ce qui me motivait, c'était d'apprendre des nouvelles techniques. Marcel Dadi avait sorti son album à l'époque donc je m'étais initié à sa musique. Steve Waring également avait sorti un album. Avec ce petit répertoire, j'ai erré dans quelques cabarets nocturnes de Toronto. J'arrivais à subsister avec cette musique là.

 

Bluesactu.com : Vous avez fait des rencontres importantes au Canada, notamment Jim Hall, un luthier. Quelles influences a-t-il eu sur votre future carrière ?

Franck Cheval : J'allais dans l'atelier de Jim Hall pour le plaisir, pour l'ambiance particulière qui y régnait. J'avais déjà une attirance pour le bois, les maisons en bois, etc. Je suis allé dans son atelier pour la première fois afin qu'il me fabrique un banjo. Comme je suis gaucher, en ce qui concerne les banjos, on ne peut pas simplement inverser les cordes.
Quand je suis rentré en France, j'ai continué à avoir un peu la même vie, à jouer de la guitare. Puis, mon attirance pour le bois se mélangeant, j'ai ouvert un atelier de meubles avec un ami.

 
Bluesactu.com : Mais c'est chez Jim Hall que vous avez découvert le travail de la nacre.

Franck Cheval : Complètement. J'avais déjà une bonne connaissance des guitares mais je pense que tous les guitaristes n'ont pas le réflexe d'aimer l'objet, de s'y intéresser. Jim Hall avait ce coté collectionneur dans la décoration de ses guitares. Il y avait beaucoup de vieux instruments dans sa boutique. A ce niveau là, j'ai beaucoup appris au point de vue culture historique. Et sur mes premières réalisations, il y a eu une influence. Quand mes premières guitares sont sorties, j'ai essayé de reproduire ces décorations (inspirées par d'autres luthiers canadiens) ce qui n'était pas le réflexe  de mes collègues de l'époque.

 
Bluesactu.com : Votre véritable carrière de luthier commencera en 1981, après avoir été musicien et restaurateur de meubles anciens. Vous n'avez alors reçu aucune formation spécifique de lutherie. Comment avez-vos appris le métier ?
Franck Cheval : Ma première guitare remonte en fait à 1980. Dans l'année, je faisais un essai à partir d'un livre qu'un ami m'avais ramené de Londres du style « Comment faire sa guitare en 10 leçons » !
J'ai fais à peu près ce qui était dit dans le livre. Je ne sais pas si celui-ci était bon mais la guitare, elle, n'était pas terrible. Finalement, ce n'était pas vraiment un échec puisqu'on ne s'aperçoit pas des défauts avec l'enthousiasme. Comme on a fait la guitare elle est forcément parfaite.
 
Bluesactu.com : Tout est allé très vite puisque dès votre deuxième guitare vous rencontrez Marcel Dadi qui vous passera commande très rapidement !
Franck Cheval : Oui. J'ai pris ma guitare sous le bras et suis allé errer dans les magasins de Pigalle où Marcel Dadi avait sa boutique. Il a été assez sévère. Je suis également allé voir Jacobacci, un autre luthier, qui m'a donné quelques conseils. Ensuite, nous nous croisions régulièrement dans des salons. C'est en 1988 qu'il a commencé à me parler d'une guitare qu'il avait dans la tête. C'était une réminiscence de choses qu'on pouvait voir sur les guitares du début du siècle de chez Gibson. On est parti de mon travail sur les guitares de Jazz et de mes incrustations de nacre de style art nouveau. On a mis un an pour faire les dessins et la réalisation. La guitare a été achevée courant 1989. C'était une guitare importante car techniquement elle était difficile à réaliser. De plus, elle a été très bien exposée au salon de la musique. C'est une année au Francis Cabrel jouait Sarbacane juste derrière les bâtiments de la Villette, au Zénith. Il a vu cette guitare en vitrine, il est venu me voir et c'est comme ça qu'on a commencé à travailler ensemble.
 
Bluesactu.com : C'est une guitare de collection aujourd'hui ?
Franck Cheval : Oui. C'est une guitare qui est en Allemagne à l'heure actuelle, à Stuttgart, chez le plus grand marchand de guitares de collection. Elle a été mise en vente aux États-Unis 150 000 $. On mettra ça sur le compte du décès de Marcel Dadi. C'est une spéculation un peu morbide.
 
Bluesactu.com : C'est un bel hommage de voir ses guitares dans les mains des plus grands ?
Franck Cheval : Oui. Ce qui était surtout très agréable, c'est d'avoir travaillé, quand on est adolescent, sur la musique de gens que l'on ne connaît pas, puis ensuite de travailler pour eux et d'être en amitié. C'est une trajectoire qui a été très agréable.
 
Bluesactu.com : Cette relation d'amitié est-elle indispensable ?
Franck Cheval : C'est plus facile mais ça dépend de la commande. Quelque fois, je travaille avec l'étranger donc je ne connaît pas la personne. Mais si les choses sont bien claires au départ, je ne pense pas que ce soit un handicap. J'ai des guitares qui se répètent, j'ai une base de travail que je propose aux gens. Par contre il se peut que naisse une association avec un artiste et un luthier où là on va  aller un peu plus loin. Il y a alors une affection réciproque qui doit être nécessaire. Après quand on voit quelqu'un sur scène, je ne dit pas qu'on partage son talent, mais la guitare est partie prenante du spectacle. Si elle est belle sur scène, on est anonyme dans la foule mais on ressent quand même une émotion. C'est ça la récompense de ce métier, c'est de voir ses guitares en activité.
 
Bluesactu.com : Comment se font les principales rencontres ?
Franck Cheval : Il n'y a pas de règles. Par exemple, ma rencontre avec Mickaël Jones a été très simple. Francis Cabrel faisait un concert pour les restos du cœur où ils ont joué ensemble. La guitare lui a plu et il m'a téléphoné.
 
Bluesactu.com : Vos guitares doivent être très personnalisée ?
Franck Cheval : Oui, forcément. Mickaël Jones est un rocker à la base, c'est un guitariste électrique de culture. Quand il me demande une acoustique, il n'a pas du tout le même doigté que quelqu'un comme Francis Cabrel qui est un guitariste acoustique. Donc je vais affiner un peu plus les barrages sur la guitare de Jones car il va utiliser des cordes plus souples, l'action sera plus basse. Il faut qu'il retrouve des sensations d'une guitare électrique. 
 
 

 

 
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  POUR EN SAVOIR +
- CABREL F., Luthiers et guitares d'en France, Chandelles Productions. 240 pages et plus de 750 photos étonnantes à découvrir.