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LES INTERVIEWS DU BLUES CAFE |
NEAL BLACK
Interview réalisée en mars 2007 par Cédric Vernet et Francis Rateau
Mine de rien, ce type est en train
de poser de sacrées pierres dans le jardin des musiques roots
en France ! Non seulement Neal Black
est bourré de talent et pétri de culture, mais il est aussi
immensément attachant et amical. La France peut s’enorgueillir
d’un tel artiste installé dorénavant chez nous !
En mars
dernier Neal Black est dans les studios du Blues Café
www.lebluescafe.info),
émission sur Couleurs Fm (38), et s’est livré pendant deux
heures avec passion et gentillesse au jeu des
questions/réponses, en livrant aussi quelques morceaux en live
avec sa guitare et sa voix rauque. Extraits.... |
Neal, souviens-toi,
il y a déjà 3 ans, au Salaise Blues Festival, tu nous faisais
part de ton projet de t’établir en France et nous avions tenté
longuement de t’en dissuader au prétexte que ce n’était pas plus
simple par chez nous de vivre de sa musique. Heureusement tu ne
nous as pas écouté (rires). Et depuis il se passe
énormément de choses pour toi, en musique comme en amour
d’ailleurs ... |
Oui. J’étais déjà
depuis plusieurs années en relation avec le label français
Dixiefrog. Le responsable, Philippe Langlois, a une telle
passion pour ses artistes que je me suis dit que ce serait bien
pour moi de rester en France et travailler ici, de faire des
choses avec lui notamment.
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Depuis tu as
rencontré beaucoup d’artistes français avec lesquels tu joues ou
tu collabores ... Notamment Nico Wayne Toussaint sur le disque
duquel tu as posé ta patte... |
Pour moi, c’est toujours un immense plaisir que
de collaborer avec Nico. Pour son dernier CD, j’ai en effet
écrit trois morceaux. Nous nous connaissions bien puisque nous
jouons ensemble dans le Blues Conspiracy avec Leadfoot
Rivet. Nico est un véritable professionnel mais notre
collaboration va au-delà de ça. Cet artiste est plus qu’un
bluesman français ; il a pris le temps d’étudier en profondeur
les origines des musiques nord-américaines. Du coup, son style
de blues est souvent plus authentique que le mien. Nico sait se
saisir de ces styles et les poser dans son cœur, dans son âme.
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Dans le dernier
album de Nico Wayne Toussaint, celui-ci ne se soucie pas
vraiment des étiquettes, passant d’un blues à un rock, d’un
cajun à la country. As-tu eu la même approche que lui en
réalisant ton CD "Handfull of Rain" ? |
Oui,
pour lui ce sont différents styles de musiques car ce n'est pas
ce qu’il joue habituellement. Alors que pour moi, c’est plus
typique car mes enregistrements ne sont jamais que du blues. Il
y a toujours un peu de country, de jazz, de tex-mex, de rock et
bien entendu du blues. Le blues est mon influence première mais
je vais dans une direction très ouverte en essayant d’apporter
des mouvances originales, changeantes et au bout du compte cela
offre aussi des disques assez variés. Il faut aussi comprendre
qu’au Texas, le blues n’est pas une musique définitivement
coincée dans douze mesures, mais plutôt une attitude. Les
artistes texans sont extrêmes dans leurs styles. De Lightnin
Hopkins à T-Bone Walker, ou Stevie Ray Vaughan et Jimmy Vaughan,
deux styles encore très différents, et pourtant ils étaient
frères, et encore Billy Gibbons. Le Texas est une place
musicale très importante avec énormément d’influences multiples,
country, blues, rock, tex-mex, etc. C’est d’ailleurs assez dur
de dire ce que c’est exactement comme musique. Juste du Texas
Style !
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Cet album, sorti
chez Dixiefrog, s’appelle "Handfull Of Rain". Pourquoi ça ? |
Dans la vie, on
essaie toujours d’attraper les choses dans notre main. On sait
bien pourtant qu’on ne peut tout saisir, que cela s’échappe
entre les doigts de la main, comme la pluie dans la main. C’est
le concept de cet album.
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Belle image ! En
tout cas, à la différence de ton précédent CD enregistré au
Mexique, ce nouvel opus l’a été à la fois au Texas, à la fois en
France, n’est-ce pas ? |
J’ai enregistré
et mixé une partie des morceaux à San Antonio (Tx) et le reste à
Châlons-en-Champagne dans le studio de Fred Chapelier. Ce fut un
très grand plaisir de travailler avec Fred.
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Fred Chapellier que
l’on retrouve aussi sur cet album. Cela fait-il partie de ces
rencontres essentielles, avec Philippe Langlois, Nico Wayne
Toussaint, Nina Van Horn ... ? |
Exact !
Quand j’ai co-produit le disque de Nina Van Horn, celle-ci a
essayé plusieurs guitaristes et à chaque fois, parce qu’elle me
faisait confiance, elle me demandait ce que j’en pensais. Ils
étaient bons mais, je n’aimais pas trop leurs styles et
préférais aller fumer une clop dehors (rires). Et puis
Fred est arrivé et là, j’ai dit à Nina que c’était ce musicien
qu’il fallait ... et que je pouvais aller fumer une cigarette
dehors non pour fuir mais rassuré et détendu (rires).
Fred est majestueux ! C’est la même chose avec des musiciens
français comme JB Boogie, un type fantastique, très emprunt de
blues.
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A propos de Fred
Chapellier, on a été surpris de l’entendre sur ton album dans un
registre différent, acoustique, et notamment en jouant de la
basse ! |
Fred n’est pas seulement un guitariste, c’est
avant tout un musicien ! Il fait de la musique et peut presque
tout faire. Il peut même faire de la musique avec une canette de
bière s’il voulait !!! Nos rapports ont été, pour mon disque,
extrêmement naturels et professionnels. Et comme Fred a été
aussi mon ingénieur du son, il a pu palier à beaucoup de choses
et trouver le meilleur son. On a fait d’importantes scènes
ensembles sans jamais répéter. Au New Morning, à Paris, ou bien
en Norvège l’an passé, avec Nina, Fred et moi arrivions toujours
sur la scène sans avoir eu le temps de répéter, même parfois
sans avoir eu le temps de faire des balances.
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On aura la chance
de vous revoir ensemble ? |
Oui. Fred termine
son hommage (à Roy Buchanan ndlr), et nous mettrons en chantier
un nouveau projet, un disque avec Fred, Francis Campello à la
basse, Vincent Daume à la batterie, moi. Ce sera un album dans
lequel chacun sera co-producteur, compositeur, musicien.
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Parle-nous de ce
titre de Leadbelly "Black Girl" que tu reprends de
manière impressionnante sur ton CD ? |
Sur chaque album
que je réalise, je demande à Philippe Langlois quelle reprise il
aimerait me voir mettre sur le disque. Il a suggéré le Black
Girl de Leadbelly et on a écouté les versions de Bob Dylan,
de Dolly Parton, de Nirvana. J’ai opté pour la version qui est
donc l’album.
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Toujours sur
l’album, tu utilises indifféremment une guitare électrique et
une acoustique, à résonateur. Sur quelles guitares te sens-tu le
plus à l’aise ? |
Oh peu m’importe, sur toutes les guitares. Mais
quand j’ai le temps, en concert, j’aime bien faire deux parties,
une acoustique, l’autre électrique. Lors de la première, les
gens sont plus relax, boivent un coup. Ensuite je peux monter le
volume et passer à la guitare électrique, cela passe mieux
(rires). quand je n’ai pas ce temps, je dois être sélectif
et choisir.
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Tu es donc installé
en France depuis quelques années. Est-ce plus facile, pour toi,
de jouer dorénavant ? |
Pour
moi, c’est relativement simple de jouer en France en général.
Ici les gens apprécient les différences culturelles, que ce soit
dans la danse, le théâtre, le cinéma, et dans la musique. C’est
un public qui sait écouter. C’est aussi pourquoi beaucoup de
musiciens américains viennent en France ou veulent y venir. Tu
sais, on ne choisit pas ce métier de musicien uniquement pour
l’argent, même si on en a besoin pour survivre, mais on ne peut
faire de la musique sans passion. Et aux States, on a
l’impression que plus personne ne prend le temps d’écouter
vraiment les origines de leur musique, le jazz, le blues, la
country... La politique culturelle américaine a énormément
changé ces dernières années. Tout passe par le fric ! Pourtant
j’aime aussi l’Amérique. Je ne le renie pas. C’est un pays
fantastique. Mais les choses changent très vite, trop vite
parfois, les talents s’échappent....et filent comme la pluie
entre les doigts de la main ...
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Il y a des artistes
qui expriment leur engagement au travers de leur musique et de
leurs textes mais on en croise rarement en blues. Je pense à
Steve Earle par exemple ... |
Oui j’adore Steve
Earle, il est fantastique. J’ai déjà écrit, sur deux albums, des
textes engagés politiquement, puis j’ai, il est vrai, changé de
direction. Pourtant sur mon disque actuel, dans une chanson,
j’explique qu’aux États-unis, on peut maintenant aller sur la
lune, faire des transplantations cardiaques, et plein d’autres
choses incroyables, mais qu’on n’arrive pas à faire la paix dans
le monde !
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Il parait que tu
seras au prestigieux Festival Jazz à Vienne cet été ? |
Et oui ! Jazz à
vienne a rajouté trois jours, 5,6 et 7 juillet et calé d’autres
concerts dans le fameux musée de St Romain en Gal. Il y en a un
dédié au blues et j’y serai. D’ailleurs Nico Wayne toussaint
sera aussi à Jazz à Vienne, au club de Minuit. Probablement que
nous jouerons ensembles, respectivement dans nos shows !
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Merci Neal ! |
Merci à vous
surtout. Je voudrais aussi remercier tous ces gens passionnés,
comme vous, et qui nous aident, nous artistes. Notamment le
Collectif des Radios Blues, Dixiefrog, les Revues, Alain Rivet
qui me fait tourner, et d’autres encore. |
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