LES
INTERVIEWS DU
BLUES CAFE |
JEAN-LOUIS
MAHJUN
Interview
réalisée le 10/01/05
dans l'émission Blues Café sur Couleurs FM
par Cédric Vernet et Francis Rateau
They're back* ... ou plutôt estan de vuelta* !
Jean-Louis Mahjun et Alain Giroux
reviennent d'Espagne avec un album live dans les poches ! Véritables
virtuoses du blues, les deux compères de ce duo hors du commun n'ont pas
fini de nous surprendre dans leur quête constante de recherche de sonorités
nouvelles. Giroux / Mahjun, c'est le croisement du blues avec le swing, la
musique tzigane, les mélodies irlandaises et les musiques électroniques.
Two for the Show, leur premier album live, propose une musique à l'état
pur, un blues épuré et sans fioriture. C'est avant tout l'occasion de
s'offrir un souvenir, celui qui nous permettra de ne pas oublier qu'un
concert de Giroux / Mahjun est un moment inoubliable ...
Jean-Louis Mahjun s'est installé derrière le
comptoir du Blues Café pour nous parler du p'tit dernier des Giroux / Mahjun.
* Ils sont de retour
Ecoutez l'interview !
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Blues Café : Cet album a été
enregistré live en Espagne. Pourquoi l'avoir enregistré là-bas ?
Est-ce à cause de la passion d'Alain Giroux pour les musiques
hispaniques comme le fado, le flamenco ou le tango ? |
Jean-Louis Mahjun :
Non, je ne pense pas. C'est tout bêtement parce que, depuis 15 ans
qu'on joue ensemble, on a fait pas mal de concerts en Espagne et ça
marche très bien. On est plus prophètes là-bas que dans son propre
pays, comme toujours ! On nous a donc proposé d'enregistrer un album
live en Espagne ce dont j'avais envie depuis longtemps.
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Blues Café : Dans chacun
de vos albums, sur Jail of Love tout particulièrement, on sent
que vous êtes dans une recherche constante de sonorités nouvelles.
Qu'aviez-vous envie d'entendre avec cet album live ? |
Jean-Louis Mahjun : Je voulais surtout ne
plus avoir à expliquer aux gens qui voulaient retrouver ce qu'ils
avaient entendu en concert que certains albums, comme Jail of Love
dont vous venez de parler, a été arrangé avec des ordinateurs. Avec
cet album Two for the Show, je vais enfin pouvoir dire aux
gens, voilà, c'est vraiment ce que vous venez de voir sur scène, à un détail
près, il n'y a pas l'image !
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Blues Café : On sait que tu
aimes particulièrement faire des recherches plus techniques voire
technologiques au niveau de la musique. Est-ce qu'un album live ne te
prive pas complètement de cette recherche ? |
Jean-Louis Mahjun : Ce n'est pas du tout
une privation. Il suffit d'avoir vu le concert Giroux / Mahjun pour
savoir que j'ai beaucoup de mal à me tenir tranquille sur scène. Au
niveau des recherches de sons, avec quelques effets de guitaristes, on
arrive déjà à bien se régaler. Je prends un grand pied sur scène à
faire des sons pas très classiques dans le blues !
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Blues Café : Voilà 15 ans
que ce duo infernal sévit en France et à l'étranger. Comment
fonctionne un duo aussi longtemps ? C'est une vraie histoire d'amour ! |
Jean-Louis Mahjun :
Oui c'est vrai, c'est un vieux couple [rires] On n'a jamais
répété, je pense que c'est pour ça qu'on ne s'est pas lassés. On a
vraiment toujours joué ensemble sur une scène. Quand j'ai rencontré
Alain Giroux, c'était déjà une encyclopédie du blues ! Lorsqu'on est
arrivé la première fois ensemble en concert, il me disait dans le
creux de l'oreille entre deux morceaux : "blues en do !", "boogie en
mi !", "ternaire en la !" et on partait comme ça ! Il se trouve que je
suis une espèce d'éponge à vibrations et que j'ai une très bonne
oreille musicale. A défaut de savoir lire la musique, je sais
l'écouter et je joue comme si je connaissais le morceau ce qui est,
bien sûr, un mensonge éhonté la plupart du temps !
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Blues Café : C'est assez
drôle de regarder les différents titres de vos albums. Vous vous
rencontrez et ça s'appelle Rencontre du deuxième type, vous vous
retrouvez plus tard avec Double Jeu et le dernier s'intitule Two
for the Show. C'est décidemment une histoire de couple ! |
Jean-Louis Mahjun : Oui, d'ailleurs je me
demande bien ce que je vais pouvoir trouver encore comme nouvelle
blague autour du chiffre 2 et du thème du duo. Je pense qu'on va
peut-être arrêter, on a fait le tour de la question ! [rires]
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Blues Café : Tu as une
façon peu orthodoxe de jouer du violon. Est-ce parce que tu as d'abord
commencé ton initiation musicale avec la guitare ? |
Jean-Louis Mahjun : Oui, tout à fait. Au
moment où j'ai commencé le violon, dans le deuxième disque du groupe
Mahjun c'était l'époque où j'écoutais Hendrix tous les soirs.
C'était LA révélation pour moi, the big revelation !
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Blues Café : Et pourquoi
t'être tourné vers le violon plutôt que de poursuivre dans la guitare
? |
Jean-Louis Mahjun :
C'est tout bête, j'avais en discothèque un groupe anglais qui
s'appelait High Tide avec un violoniste dedans et ça m'avait
vachement plu. Comme j'avais joué un peu d'harmonica et de violon
quand j'étais tout pitchoune, je me suis dit que ça serait trop bien
de faire ça. J'ai acheté un vieux violon tout pourri, j'ai mis un
micro bricolé puis j'ai essayé ça sur un ou deux titres. A l'époque,
j'ai même rencontré des violonistes pour trouver quelqu'un qui vienne
dans le groupe mais je n'ai trouvé personne qui fasse quelque chose
d'assez rock. J'avais écouté également un groupe qui s'appelait
Flock dans lequel Jerry Goodman jouait du violon électronique. Ça
m'a aussi donné envie de le faire. |
Blues Café : Comment
fais-tu pour tirer de tels sons avec tes instruments ? |
Jean-Louis Mahjun : L'idée c'est vraiment
de partir d'un instrument, le violon ou la mandoline, qui n'est pas
fait pour jouer du blues ou du rock et de le traficoter. Tous les
guitaristes ont dû se douter que j'avais une pédale avec un poil de
distorsion. Tout le reste
ensuite, c'est dans les mains. Faut savoir
faire du tapping, du pulling off, ce sont des techniques
de guitare. La main droite c'est du médiator.
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Blues Café : Au fil de tes
différents albums, on trouve de nombreuses influences, irlandaises,
tziganes, espagnoles, boogie, etc. Ce sont des goûts que tu partages
avec Alain Giroux ou un souhait de dépasser le cadre même du blues ? |
Jean-Louis Mahjun : Pour ce qui est du
violon, c'est tous les trucs qui me plaisent dans cet instrument.
Chaque fois que je craque sur un morceau, c'est toujours sur un truc
irlandais, tzigane, ... Quand j'étais guitariste, à 18-19 ans, j'avais
déjà une dizaine de disques de Django Reinhardt. Il y avait un
violoniste, un certain Stéphane Grappelli, mais je n'y faisais pas
tellement attention car j'étais branché sur la guitare. Pour ce qui
est du reste, c'est Alain Giroux lui-même qui s'est amusé à jouer
La Cumparsita à la guitare ou ce truc russe bien connu [Jean-Louis
se met à chanter] qui a été chanté par Aznavour. Il avait donc lui
aussi envie de sortir du blues vraiment trad'.
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Blues Café : Parlons un peu
de l'avenir, quelles sont vos folies désormais ? |
Jean-Louis Mahjun :
Franchement, je n'ai pas d'idée précise sur ce que je pourrais avoir
envie de faire. Je viens de faire l'enregistrement d'un disque d'Alain
qui sortira bientôt. C'est un disque scolastique puisque vous savez
qu'il a fait déjà 4 ou 5 méthodes de guitare. Là, il vient de réaliser
une nouvelle méthode, mais il faut vraiment toucher sa bille car c'est
pointu ! Ce sont des thèmes de jazz comme Over the Rainbow ou
Petite Fleur qu'il joue en guitare picking. On a fait
l'enregistrement chez moi en numérique. Quant à moi, j'ai une ou deux
idées. Curieusement, j'aimerais bien faire un disque de New Orleans
avec des cuivres. Je me suis aperçu que c'était très agréable à cause
du ragtime. J'en joue pas mal avec Alain ainsi que des titres
comme St Louis Blues, des standards que j'ai joué quand j'étais
contrebassiste dans des groupes de jazz. C'est bien à jouer au violon
à condition de s'accorder comme les cuivres. C'est une idée comme ça
qui me trottine dans la tête !
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Blues Café : Une section de
cuivres avec un violon, ça risque de ne pas être facile ? |
Jean-Louis Mahjun : J'ai déjà eu ça dans
mon groupe en tant que chanteur et on se régalait bien. Le violon et
les cuivres se mélangent assez bien, contrairement à ce qu'on pourrait
imaginer. C'est plus dur à écrire car il faut toujours savoir ce que
tu vas mettre en fondamental, si la note la plus aigue va être le sax
ou le violon, ça peut tout changer.
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Blues Café : Il y a une
tradition dans le Blues Café, c'est que les auditeurs ou internautes
peuvent poser des questions à nos invités. Sur Internet, Marc te
demande si tu as gardé un bon souvenir de ton boeuf avec Damien Lopez
en juin 2003 à l'Utopia à Paris ? |
Jean-Louis Mahjun : C'était effectivement
un de mes meilleurs souvenirs de boeuf. J'ai quelques moments de magie
comme ça qui me sont restés bien gravés en souvenir. Plus tard, on a
refait un boeuf avec Damien et c'était encore vachement bien ! Ce qui
était très curieux c'est qu'on se soit très bien entendu dans la
musique de façon instantanée, dès les premières notes, alors qu'on est
séparés par une génération. Il pourrait être mon fils ! Tout est passé
par la musique, c'était effectivement un grand moment.
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Blues Café : Justement,
quel regard portes-tu sur cette nouvelle génération ? |
Jean-Louis Mahjun : Je rencontre pas mal
de jeunes musiciens dans les bars où on joue. Je remarque qu'il y a
pas mal de temps, on s'est mis à être étonnés de voir des jeunes gens
de 12 à 15 ans qui jouaient vachement bien, techniquement, de la
guitare. Il y avait le petit génie de ceci, le petit génie de cela ...
Ceci dit, un gosse qui commençait à jouer d'un instrument à 6 ans - ce
qui est courant dans la musique classique - jouait très bien à 12 ou
15 ans ! La seule différence était qu'il jouait du blues ou du rock
alors qu'on n'était pas habitués à cette idée là. On en est un petit
peu sorti par la bonne porte. On ne se contente plus de dire "il est
jeune et il a de la technique", on attend d'en trouver, et il y en a,
qui ont l'inspiration qui va avec.
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Blues Café :
Jean-Louis, merci beaucoup de ta visite
dans le Blues Café de Couleurs FM et à bientôt ! |
Jean-Louis Mahjun : Salut à vous deux !
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