LE SITE DE L'ACTUALITE DU BLUES

   

 

 
LA BLUESOTHEQUE
Chroniques écrites par Francis Rateau
Retrouvez ces chroniques dans le magazine Crossroads
 

JANVIER 2006
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BD BLUES
Christmas Blues

Nocturne

SUSAN TEDESCHI
Hope and Desire
Verve Forecast / Universal

MISSISSIPPI HEAT
Glad You’re Mine
Crosscut Records / Mosaïc Music

MISSISSIPPI HEAT
One Eye Open
Delmark / Socadisc

BC & LEA
Live at Godfrey Daniels
Bluescrew Records

 

STICK UP
Chemical reaction
La Rime Production

 

BOBBY DIRNINGER
In The End
Auto-Prod

 

BLUES GUITAR WOMEN
Compilation
Ruf Records / Mosaïc music

 

   

BD BLUES
Christmas Blues
Nocturne


             
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Happy Xmas
Alléluia ! Magie de cette collection faite pour le rêve et pour Noël avec cette œuvre musicale réunissant un traîneau de chants souvent plus profanes que religieux. La naissance du christ n’a jamais vraiment été célébrée par le peuple Noir. Le business musical non plus et à l’approche de Noël la tradition veut que l’on sorte des disques pour l’occasion et nul artiste n’y échappera ! Chacun y va donc de son couplet souvent plus mièvre que la pire des chansons, mais ces faces gravées feront la joie des moments d’offrande, ces cadeaux qui iront rejoindre bien vite les nids à poussières des rayonnages. Nocturne nous la joue donc consensuel mais en image et en blues, ce qui est nettement plus excitant. Le Noël du blues, c’est quarante pièces et autant d’artistes dont les vicissitudes vibrent de solitude, d’émotion et des malheurs de la vie, dans une attente vaine, au son de douze mesures. Les Witherspoon, Lowell Fulson, Charles Brown, Milburn, Champion Jack Dupree, ou autres Blind Willie Johnson, Ravens, Orioles ou bien Mahalia Jackson se donnent rendez-vous pour un concert unique, pour vous ! Et pour que la fête soit totale, une vingtaine de dessinateurs, parmi les plus aventureux, couvrent chaque page d’un trait stigmatisant le bluesman dans une attitude hors du temps, généreuse ou cocasse, dramatique ou délirante. C’est donc pour vous, ce bel objet et divin cadeau, juste pour fêter dignement la nativité, les 2005 ans d’un dénommé Jésus. A signaler aussi la sortie toujours chez Nocturne d’une BD Xmas Jazz. En vente dans toutes les bonnes crèches !
[F.R.]

SUSAN TEDESCHI
Hope and Desire
Verve Forecast / Universal



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Susan en plein désir
Susan Tedeschi se fraie petit à petit un chemin passionnant dans le monde sauvage de la music business et sa signature chez Verve prouve qu’elle atteint désormais son objectif. Ce cinquième album montre la maturité que Susan Tedeschi a acquise au fil des précédents disques en pénétrant plus avant dans une forme totalement dénuée de préjugés et de complexes. Elle arbore, en femme libre et passionnée, tous les genres qu’elle aime, vaste programme qui oscille du blues à la country, du gospel au R&B, du rock au folk, sans complexe ni étiquette. Artiste versatile, Susan est avant tout une superbe chanteuse au grain rond qui sait se faire rugueux lorsqu’il le faut (le monstrueux titre ‘Evidence’ la place d’entrée dans le registre R&B des plus grandes prêtresses noires). Bien qu’aussi fine guitariste, elle a volontairement délaissé l’instrument pour le confier à des gens comme Doyle Bramhall II ou Derek Trucks (ce pourrait être pire). C’est pour mieux se consacrer au chant dont elle a voulu qu’il soit au centre de cet opus. Cet exercice purement vocal, une nouvelle aventure, se réifie sur un choix de reprises variées (Dylan, Stones, Otis Redding, Aretha Franklin, Ray Charles, Fontella Bass) qui se révèlent envoûtantes et magnifiques. Le risque est évidemment de flirter parfois avec un certain formatage pop rock trop conventionnel qui sied souvent, on le sait, au public américain (façon Sheryl Crow). Susan Tedeschi domine malgré tout son monde grâce à sa voix et des arrangements ciselés à l’extrême par un as en la matière, le producteur Joe Henry (Solomon Burke, Betty Lavette, Jim White…). L’expérience ultime étant ce gospel partagé avec The Blind Boys of Alabama ! Rien que des souhaits et des désirs ! Impressionnant !
[F.R.]

MISSISSIPPI HEAT
Glad You’re Mine
Crosscut Records / Mosaïc Music

MISSISSIPPI HEAT
One Eye Open
Delmark / Socadisc

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Great Balls of Chicago Blues
L'année blues ne pouvait commencer mieux qu'avec la sortie de deux albums, en même temps, de la plus excitante formation de Chicago Blues actuel : Mississippi Heat. L'un est un 'live' enregistré en juin dernier au Rosa's Lounge à Chicago justement. Une prestation des plus classiques qui permet surtout d'entendre la chanteuse Inetta Visor et le guitariste Lurrie Bell. Mais c'est l'album studio qui retient surtout l'attention avec une puissance rarement égalée dans l'émotion du genre. Pierre Lacoque est un génial meneur de revue, harmoniciste correct, belge d'origine, devenu entrepreneur d'une brillante machine de blues créée en 1991 à Chicago et nommée Mississippi Heat en référence à l'origine des bluesmen noirs de la Windy City. L'un des talents de Lacoque, c'est de mettre en mouvement, au sein d'une mécanique imparable, de fabuleux musiciens qui, réunis, génèrent un climat magique de cohésion et de générosité, huilé à la perfection. Avec un sens aigu de leader, ce type sait placer ses gens pour que chacun puisse exprimer le meilleur de lui-même. C'est le véritable architecte d'un bâtiment dont l'érection, au fil des albums, devient une référence incontournable des scènes américaines mais aussi européennes. La mouture de ce 'Glad You're Mine' recèle encore une fois une bande magnifique dont on retiendra principalement la voix soul et expressive d'Inetta Visor (une fidèle), les guitares de Chris Winters, de Steve Doyle et celle de l'invité Carl Weathersby, le piano d'un Chris Cameron (co-producteur) et la superbe prestation aux fûts de Kenny Smith (digne fils de Willie Big Eyes smith, batteur légendaire de Muddy Waters). Un autre talent du chef d'orchestre Lacoque, c'est incontestablement de fabriquer un répertoire dans la tradition du Chicago Blues sans jamais faire de la simulation ou du copiage, mais en composant véritablement une suite moderne du genre. Cet opus regorge de neuf créations et trois reprises. Un beau pari réussi ! En cela, il faut le souligner, Pierre Lacoque est aidé par son frère Michel à la production. Laissez-vous porter par les rythmes voluptueux d'un blues moderne dopé par un gang démesuré dont l'héritage est puisé dans les années de braise du Chicago. Le plaisir parfait pour entamer une nouvelle année que je vous souhaite plein d'émotion et de sensations bleutées !
[F.R.]

BC & LEA
Live at Godfrey Daniels
Bluescrew Records

Les femmes de l’enfer
Il ne faudrait jamais mettre ensemble deux chanteuses de blues et de soul ! Le choc des sensations est trop intense. D’autant que ces Dames-là sont des ardentes avocates du blues au féminin ! A ma gauche, Beverly Conklin, créole de la NO, basée en Pennsylvanie, qui mène son combat avec une belle allure dans un répertoire large allant du gospel à la soul, en passant par le zydeco et le reggae. A ma droite, Lea Gilmore, plus connue grâce à ses prestations françaises, est aussi une remarquable voix du jazz et du blues, offrant une relecture de la musique afro-américaine des plus excitantes. Au milieu une formation musclée, The Blues Crew, dont le phénoménal Dave Smith roucoulant et éructant sur son saxophone dans une démesure infernale, et le génial Eric Byrne tricotant d’extraordinaires notes noires et blanches sur son piano. Le lieu de l’action se trouve dans un club nommé Godfrey Daniels sis en Pennsylvanie, et les douze pièces furent enregistrées lors deux rencontres des. Le chemin balisé de ces sessions live regorge de standards réifiés par les Femmes de l’Enfer, de la soul à la Ray Charles au blues de Muddy Waters ou BB King, tout passe à la moulinette de ces voix décapantes d’émotion dans un jeu d’échanges généreux. Seules ou en duo, ces Dames apportent la sensualité et la tendresse qui manque parfois au monde des hommes. Un opus empli d’humilité et de chants vibrant au son de la soul music et du blues, un must ! [F.R.]

STICK UP
Chemical Reaction
La Rime Production

Rock
Ce 'Chemical Reaction' est un pur joyau musical dont l’élégance des mélodies étincelle dans le ciel du rock actuel ! Quelle première flèche pour un groupe nouveau qui sait, avec une belle audace, exciter nos sens ! Stick-Up est du sud de la France, un groupe formé de musiciens à l’expérience variée, en country avec le groupe Hawkins, en rock avec les Starfuckers ; sur l’album ils sont renforcés par une poignée d’amis, et même par un trio népalais (Bijaya Vaidya) qui apporte une surprenante mais cohérent touche colorée sur un titre magnifique (‘Candles Light’). Le leader Jean-Michel Mazella (bassiste et chanteur à la voix superbement jaggerienne) a rassemblé ces diverses talents aux influences éparses en une géniale alchimie où se mélangent, au fil des titres, sitar, pedal steel guitare, percussions, guitares électriques, piano et autres vocaux (présence d’une chanteuse). Stick-Up nous mène sur un chemin lumineux balisé de repères rock blues, époque ‘Gimme Shelter' des Stones, un voyage rafraîchi au fil des morceaux par d’une brise de pop, ou caressé de saveurs exotiques. Les compositions sont bâties avec subtilité et originalité, finement ciselées et magnifiquement arrangées, jusqu’à une totale réussite. Le Band semble être sur un nuage, en apesanteur, peut-être un trop stonienne il est vrai, mais comment éviter ses influences majeures, surtout lorsqu’elles sont bonnes ? Ce rock aéré et inventif est d’une affolante architecture, presque une œuvre que leurs auteurs ne savaient certainement pas créée ! A vérifier sur les routes maintenant… [F.R.]

BOBBY DIRNINGER
In The End
Auto-Prod

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Bleu de l’Âme
Bercé, dans sa tendre enfance alsacienne, par les radios de l’armée US basée en Allemagne qui diffusaient les Muddy Waters, Dylan et autres Beatles, Bobby Dirninger ne cesse, depuis, de poursuivre sa passion dans une carrière qui semble enfin éclater au grand jour. La chance a souri à ce passeur d’émotions vrillé par la possession, puisque l’une des plus grande chanteuses du blues de Chicago, Zora Young, le prend sous son aile et dans son groupe (présent notamment sur son tout dernier album de la Diva ‘Tore Up From The Floor Up’ paru récemment chez Delmark). C’est le début de grandes aventures, frottées au quotidien souvent rude, parfois exaltant, et dont on n’a pas fini de parler entre albums et spectacles. Ce jeune et bel artiste ne vit qu’au fil des ses rencontres et vagabondages, dont il se nourrit pour rebondir et exister. L’œuvre ultime est donc là, belle et fringante, épicée et ancrée dans le rock et le blues, mais aussi colorée de chansons métissées (celtique par ici, flamenca par là, encore arabisante…). Elle s’appelle ‘In The End', et semble être comme une volonté d’en découdre avec la vie, d’en épouser les recoins avec douceur ou rage, sur des textes piqués à vif, bouleversants d’émotion et d’intimité, enrobées de musiques intenses et chatoyantes signées par un Dirninger en apesanteur, et accompagnées par une ribambelle de musiciens incroyables. Sur un piano ou sur une guitare, au son d’un harmonica ou de sa voix chaude et expressive, ce songwriter sait faire vibrer l’âme et nous faire voyager, rêver et même parfois gémir d’intenses plaisirs. Il y a naturellement du Dylan dans cet homme-là, témoin de l’illusoire, discret observateur de son temps, de son vécu, transcendé par des influences musicales multiples, le fameux petit supplément d’âme en plus ! Un bonheur à hurler et une révélation à découvrir, enfin…..
[F.R.]

BLUES GUITAR WOMEN
Compilation
Ruf Records / Mosaïc music

 

Affaire de Femmes
Il est écrit que lorsqu’une femme joue le blues, elle prend sa tête dans ses mains et pleure, alors qu’un homme chope le premier train et s’enfuit ! A l’écoute de ce fort joli digipack que Ruf nous propose pour arpenter l’année en douze mesures, il n’y aucune raison de fuir ni d’ailleurs de pleurer, mais de laisser le bleu de l’âme nous envahir avec ces femmes en voix et en musique, toutes plus belles les unes que les autres, fabuleuses interprètes d’une émotion dont la fibre semble si naturelle et sincère, fébrile ou révoltée, parfois sensuelle, mais toujours intense et authentique. Ce double album se décline donc comme une évocation du blues au féminin, de tous les blues, du contemporain au plus traditionnel, comme un fil unissant toutes ces voix, ces témoignages d’une histoire inscrite dans les notes, de la dure réalité du siècle passé à celle parfois tout aussi rude de maintenant, une même lignée de femmes, noires, blanches, métissées…Elles jouent toutes de la guitare, instrument à cordes sensibles, en acoustique ou en électrique, violemment ou tendrement, et elles chantent, seules, ou en groupe, mais elles savent toutes briser les cœurs en criant le blues ! Des peu connues (Aligia Mae Hinton, Alice Stuart, Jessie Mae Hemphill), oubliées (Precious Bryant, Jo-Ann Kelly) à celles, plus en avant sur la scène du blues actuel (Deborah Coleman, Debbie Davis, Rory Block…..) ou en devenir (Maria Lyytinen, Carolyn Wonderland…), elles sont toutes là, ou presque, réunies grâce au travail de Sue Foley (tant de talent chez elle…), qui a organisé l’œuvre et écrit le superbe livret (textes et bios). Un grand moment d’intense bonheur qui rappelle que la femme sait apporter à la musique en général, au blues en particulier, l’âme qu’il manque parfois à l’homme, parce qu’elles donnent la vie, la préservent, la cajolent, parce qu’elles sont la vie ! Bon allez je vais prendre le train et fuir…Can’t Quit The Blues ! [F.R.]