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LA
BLUESOTHEQUE |
Chroniques écrites par Francis Rateau
Retrouvez ces chroniques dans le magazine Crossroads
DECEMBRE 2005
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MARE EDSTROM
Inside The Blues
Import

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JAMES HARMAN
Strickly Live in ’85
Pacific blues
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BILL WYMAN
RHYTHM KINGS
Live
Dixiefrog

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MONSTER MIKE
WELCH
Cryin' Hey !
Dixiefrog

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MANUTO
Vieille Ecole
Auto-Prod / Manmuse

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JB BOOGIE
Solo & Trio
Auto-Prod

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T99
Cherrystone
Park
Sonic
Rendez-Vous

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RUSTY ZINN
Zinfidelity
Bad Daddy Records

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CHIP TAYLOR &
CARRIE RODRIGUEZ
Red Dog Tracks
Harmonia Mundi

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MARE EDSTROM
Inside The Blues
Import

Site
officiel |
Hot
R&B au féminin
Cette jeune femme, qui semble un peu gauche en photo, se livre en mille
vibrations bleutées lorsqu’elle est lâchée dans l’arène. Mare Edstrom s’est
entourée d’un sacré gang de musiciens pour un second album au fond du blues (Inside
The Blues), au cœur de sa passion, en hommage à tous ses héros du passé et du
présent, parcourant tous les blues (T-Bone Walker, Jimmy Rogers, Muddy Waters,
Bessie Smith, Memphis Minnie, Henry Glover, et deux ou trois Johnson, Robert,
Blind Willie…). Bien que pianiste, Mare est avant tout une chanteuse, de celles
qui se sont faits d’abord les crocs sur les traditions vocales du jazz et du
R&B, pour plonger avec éclat dans la pureté originelle du blues, sobre et
intense. Surfant sur des octaves variés, capables de pousser la voix à la limite
de la fêlure, tantôt rugueuse, tantôt suave, Mare Edtrom, penchée sur les notes
de son piano,semble portée par l’âme sulfureuse d’une trame vocale qu’elle
pousse parfois à l’extrême, et qui ravage les reprises déposées sur ce bien bel
album. Elle est domptée et encouragée par une section rythmique calée pour la
réussite, d’où sourdent particulièrement un harmonica déchaîné ou une guitare
saturée, des musiciens capables d’envelopper des ballades complices avec une
simple guitare acoustique, ou des hordes de notes à couper le souffle. Les
pièces de l’œuvre oscillent en permanence entre sagesse des sentiments et extase
débridée. Mare n’aime pas les consensus et les brise en de violentes versions
dépoitraillées (le gospel ‘In My Time Of Dying’ éructe de sensualité brutale
entre une version à la Dylan et l’original de Blind Willie Johnson), les
dénature (un terrifiant ‘Stop Breakin Down’ entame par un dobro en vrille pour
finir sur une guitare hurlante et très rock)…La frêle jeune femme n’hésite même
pas à défigurer certains titres en hip hop gonflé au rock, à en épicer d’autres
de saveurs bien mixées, ou revenir aux sources d’un road band authentique. Un
disque très excitant et l’impression de nouvelles sensations du blues moderne !
[F.R.]
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JAMES HARMAN
Strickly Live in ’85…Plus !
Pacific blues

Site officiel |
Blues pur jus et
authentiques sensations
Pure merveille de blues vrai et festif, cette réédition permet de (re)découvrir
un grand moment de la carrière de Monsieur James Harman, charismatique
chanteur harmoniciste qui réalise depuis quelque temps de bien belles
prestations européennes. Le label californien PacificBlues ressort des
tiroirs un enregistrement ‘live’ des plus excitants. Cela s’est passé
en 1985 en Californie, et ce fut le fait d’un dénommé Bob Rivera qui
attira, avec la promesse d’un disque à la clé, James Harman dans un
show des plus chauds. Le fantasque artiste emmène avec lui dans la
tourmente westcoast le gang le plus redoutable de l’époque que la
seule présence d’Hollywood Fats et Kid Ramos rend quasiment
historique. Ce disque dégage une étonnante magie, presque diabolique,
en tout cas envoûtante, qui sourde par toutes les notes de ces pièces
gravées dans la sueur et le talent de ces musiciens. On sent que ces
jours-là, ils étaient en apesanteur, sur une planète hallucinante, et
le talent suinte de partout… C’est assurément un enregistrement
La magie qui s’empare de ce ‘live’ est inoubliable et place ce disque
aux côtés des plus grands moments musicaux de l’histoire du rock, au
sens large. Belle idée généreuse de le rééditer en un CD joliment
présenté. A saisir d’urgence, en attendant impatiemment la suite de
ces aventures légendaires (volume deux à venir) et certainement
prochainement un autre album du grand James Harman…
[F.R.]
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BILL WYMAN
RHYTHM KINGS
Live
Dixiefrog

Site officiel
Dixiefrog
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Et roule ma poule …
Le schtroumpf stonien Bill Wyman ne semble décidément pas vouloir prendre la
retraite paisible qu’il souhaitait en lâchant la musique qui roule ! Le virus
est encore là, le business aussi, et le beau jouet qu’il a créé, après son
divorce à l’amiable d’avec les Stones, se révèle une efficace machine dont il
use abondamment et sans vergogne. Les Rhythm Kings, c’est une formation bien
huilée composée d’exceptionnels musiciens qui changent selon les disponibilités,
vieille garde du R&B anglais ou jeune génération fougueuse, mais toujours prêts
à fondre sur la nostalgie d’un répertoire puisé dans les grandes années du
rock’n roll, du blues et du boogie. Une aventure sans risque mais domptée par
des plaisirs simples et variés. Le dernier disque gravé de ce fleuron fut
enregistré lors d’un concert à Berlin et revisite des standards tels que, en
vrac, en traverse, en hits et en succédané, ‘I Got A Woman’, ‘Muleskinner
Blues’, ‘You Never *Can Tell’, ‘Roll em Pete’ et même le ‘Taxman’ d’Harrison !
Sur la piste de bal, au milieu du fatras de musiciens, l’on perçoit les fidèles
routiers des Kings, tels le guitariste Albert Lee, la chanteuse Beverley Skeete
ou le pianiste Mike Sanchez, et quelques plus discrets soutiers comme Andy
Fairweather Low, Nick Payne et Franck Mead. La recette est bonne, les
ingrédients choisis avec soin sont succulents, le chef est diablement
expérimenté, le plat se révèle impeccablement présenté, presque trop, un peu
réchauffé certes, avec cet arrière-goût de déjà vu, mais bon à déguster, et à
accompagner d’un vieux shuffle des familles, bien gouleyant !
[F.R.]
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MONSTER MIKE
WELCH
Cryin' Hey !
Dixiefrog

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Dixiefrog |
Blues ...
Divine surprise que le retour du Monstre à la dextérité remarquable,
mais dont la technique et les longs solos de guitare lassaient un peu ! Mike
Welch est ce qu’on appelle un jeune homme surdoué et précoce, jouant déjà tout
gamin avec les grands bluesmen (James Cotton, Hubert Sumlin, Junior Wells,
héritant de son surnom de Dan Aykroyd des Blues Brothers, maniant la guitare
comme le prolongement armé de ses sensations personnelles.
Après quelques joutes enregistrées, certes impressionnantes mais parfois
lassantes, une superbe tournée française des plus réussies en compagnie de Nico
Wayne Toussaint et David Maxwell l’an passé, le jeune homme se livre maintenant
en pleine maturité avec toute la conscience de son talent et de son goût pour la
chose authentique dans un album des plus beaux de sa déjà longue carrière. C’est
du pur blues, de cinquante ans d’âge, à la couleur chatoyante, au son piqué sur
le vif d’un enregistrement sans overdubs ni remix, du ‘live’ et du roots emprunt
de ferveur, de passion, de brio, d’émotion… Un régal que la présence de cet
autre guitariste de renom, Nick Moss, rend carrément affolant ! Le jeu sobre
exprime ce qu’il faut de notes justes et précises, chargées d’intensité et de
finesse. La séance semble avoir été des plus excitantes et avec des musiciens
merveilleusement dans le ton (Nick moss déjà cité, Anthony Garaci au piano,
Michael Ward à la contrebasse et basse, Warren Ward aux fûts). Il parait que
Welch en rêvait depuis l’âge de treize ans (bigre) ! Tout est vivifiant et
époustouflant dans cette galette, jusqu’à la voix même du héro, gorgée de blues,
en apesanteur, presque dopée de foi… Un des meilleurs disques de blues de
l’année ! [F.R.]
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MANUTO
Vieille Ecole
Auto-Prod / Manmuse

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Songwriter du blues
Cette formation triangulaire, nommée Manuto, sort du bois pour
illuminer avec éclat le ciel pourtant chargé du blues décliné en français. Avec
une poignée de textes aux mots sobres et précis, chauffés par l’âme d’une voix
surprenante de tendresse, ce disque révèle un trio bien installé dans la mesure
d’un blues efficace, au ton parfaitement juste et à l’étonnante réussite.
L’assurance de ces trois-là (Manuel Destanque, guitariste chanteur, Etienne
Brachet, batterie, Bruno Césaroni, basse) force au respect tant la perfection
suinte avec des arrangements réglés au quart de tour, une production soignée, un
son personnel et bien sûr un chant porté avec foi et émotion. Le velouté de
blues enrobe un genre hybride dont on sent bien toutes les urgences de l’énergie
rock, mais aussi l’esprit de composition des grands songwriters dont se réclame
le leader du groupe. Le naturel de cet opus réside principalement dans la
conviction de l’œuvre, une sincérité qui confine au naturel et marque la musique
d’un respect assez rare quand il s’agit d’un ‘power trio’. Les musiciens sont
parfaitement homogènes et respectueux les uns des autres, chacun à sa place,
tourné vers l’autre, et l’ensemble s’en ressent. Le groupe existe depuis 2003 et
ce premier essai a été encouragé par une maison de production anglo-française,
Manmuse ; Il ne reste plus qu’à partir sur les routes pour délivrer la parole de
Manuto. ‘Vielle Ecole’, c’est du blues brut avec un gros cœur dedans. Envoûtant
et perfectible jusqu’au dernier titre !
[F.R.] |
JB BOOGIE
Solo & Trio
Auto-Prod

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Cocktail, blues and boogie
Julien Brunetaud est tellement pris par les concerts, projets, participations et
autres voyages musicaux qu’il n’a jamais le temps d’enregistrer de disques.
C’est ainsi lorsqu’on est jeune surdoué et talentueux pianiste : on ne court pas
seulement après les notes, mais aussi après le temps ! Enregistré à Villeneuve
sur Lot, ce disque est une perle de boogie dévastateurs, de swing dansants et de
blues pulsatifs, véritable plan large sur les années 40 qui préfigureront celles
du rock’n roll. L’acrobate des touches noires et blanches s’est merveilleusement
acoquiné de deux amis musiciens parmi les meilleurs de notre douce France (et
d’ailleurs) : à la contrebasse Thibaut Chopin (Benoit Blue Boy, Mama’s Biscuits,
etc…) et à la guitare Anthony Stelmaszack (Flyin Saucers, et quantité de
participations). Entre jazz et swing (Duke Ellington), blues et boogie (Willie
Dixon, Amos Milburn, Fats Waller, Otis Spann) et quelques compostions, Julien
Brunetaud ancre son disque dans la tradition, et une certaine déférence aux
Anciens, soignant à la perfection le son et la magie de ces airs mémorables et
définitivement faits pour l’émotion…et le plaisir. Bel hommage intemporel qui
permet aussi à des musiciens d’exception d’explorer les références du passé,
leurs influences de toujours, dans l’excellence de leur talent. Jusqu’à la
délicate mise en forme de la pochette, tout rutile de charme du passé, de
douceur nacré du bon temps, de celui que l’on veut rouler !!!! Une parfaite
jouissance des sens. [F.R.]
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T99
Cherrystone Park
Sonic Rendez-Vous

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N’ayez pas peur du nombre 6
Avec ce troisième album apocalyptique, les hollandais volants du T99 percutent
violemment les murs du rock blues consensuel, éclaboussant au passage les
tendances actuelles pour exploser en mille petites musiques enfiévrées. Entre
psyché roots rock et garage blues, tendance romance à la Tarentino et ballade
soul enivrée, sensation punk et pavé rocailleux, ce trio étonnant écume sans
peur, avec une liberté incroyable, les marécages d’une musique moderne transis
de tradition, rassemblant en quelque sorte les débris des autres. Habitué à du
blues, certes traditionnel, et de fortes prestations scéniques, le fan aura sans
doute quelque surprise à pénétrer dans ce nouveau monde hors limites des T99.
Parti sans arrière-pensée, il se surprendra soudain, en se retournant, à ne plus
percevoir les côtes au loin, et délaissant le passé, les oreilles ouvertes à
demain, se laissera guider par le vaisseau fantôme nommé T99 dans une frénésie
jamais atteinte jusqu’à présent. Tout passe à la moulinette, du banjo à
l’ukulélé et à la mandoline, des cloches aux guitares graduées, de la
contrebasse aux percussions, dans un magma invraisemblable. Sur l’écran géant de
nos nuits bleutées T99 dessine un film apocalyptique qui jetterait même not’
Goof à nous de ses délires cinéphiles. Pour le scénario, T99 a fait appel au
magicien du désert, le songwriter Teddy Morgan, de Tucson (Arizona), qui avait
déjà travaillé sur le dernier opus et l’on note la présence sournoise de Dave
Gonzales (The Paladins) et de Jimmy Carr. Les mutants de T99 se nomment Misha
Den Haring, improbable touche-à-tout et compositeur prolifique, chant, guitare
et mandoline, Martin de Ruiter, chant et percussions variées, Donné la Fontaine,
contrebasse, et autres instruments. Provoquant, goûteux, rugueux et soyeux à la
fois, cet objet diabolique que Lucifer lui-même n’ose écouter au fond de son
garage, apporte un bien-être sans concession au rock blues actuel et en cela T99
ouvre les fenêtres de l’avenir radieux. La tendance hollandaise, presque devenue
une école, poursuit donc son aventure sans retour et créée un style qui va
forcément devenir majeure dans l’Europe. Enjoy !
[F.R.]
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RUSTY ZINN
Zinfidelity
Bad Daddy Records

Site officiel
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La
marche d’un génie des musiques noires
Rusty Zinn est l’un de ces héros discrets (peu d’albums sortis) qui préfèrent
souvent servir de leur génie les autres plutôt qu’eux-mêmes. Basé du côté de San
Francisco, révélé par Kim Wilson, adepte d’un blues revival subtil bouillant
d’authenticité, Zinn est un musicien dont le jeu d’une rare finesse semble
combler à chaque note le vide laissé une respiration, par un doute, un rire, une
larme, une émotion. En cela et une tonne d’autres raisons, le poète du blues
disparu est un phénomène très recherché pour ses capacités à apporter ce
supplément d’âme, ce souffle musical, qui manque parfois dans une formation. Du
coup les enregistrements propres de ce Mutant restent assez rares et ont encore
plus d’importance. Mieux encore, Rusty Zinn dévoile ici une face cachée de ses
immenses et facondes possibilités dans une débauche de musiques aux vastes
influences pénétrées d’un R&B pur et très noir, Westcoast et ol’ school blues,
rock, doo wop et même reggae, dans une fidélité (justement) à la tradition, aux
racines et à la générosité. En ne se suffisant pas d’être déjà l’un des
meilleurs guitaristes de blues, notamment du côté californien, le très précis
Zinn se révèle dorénavant aussi un superbe chanteur à la voix soul, étonnante de
douceur et d’éclat, arborant de chaudes mélopées aux fragrances musquées. Rien
ne semble arrêter ce jongleur de rythmes soyeux, puisant dans ses nombreuses
références, la substance d’une œuvre qui fait aussi de Rusty Zinn un immense
songwriter. Où qu’il aille dans sa démarche et sa musique, le résultat sera
excellent car cet homme a l’âme chevillée à son jeu, le feeling dans la tête et
la tête dans le la musique noire ! C’est naturel chez lui, comme le sang du
blues qui coule dans ses veines. Cet opus, dont le répertoire oscille entre
plusieurs compositions personnelles et quelques rares reprises, trace un chemin
nouveau pour Rusty Zinn dont le volume suivant (puisque c’est là le vol 1)
montrera peut-être la direction finale. Un mythe est en marche…[F.R.] |
CHIP TAYLOR & CARRIE RODRIGUEZ
Red Dog Tracks
Harmonia Mundi

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Beauté
Americana
Ces deux-là ne se quittent plus ! C’est comme un père affectueux caressant d’un
regard appuyé sa fille surdouée ! On les a vus en France, au festival country de
Craponne, et c’est leur troisième collaboration sur disque. Chip Taylor est un
guitariste honorable en acoustique ; il pratique aussi l’harmonica dont il use
abondamment dans cet album, mais c’est avant tout un phénoménal songwriter à la
forte personnalité (il parait que c’est l’auteur du lointain et mythique ‘Wild
Thing’). Chip aime non moins les expériences que celles qu’il exerce depuis déjà
deux disques donc avec la belle Carrie Rodriguez. Cette jeune femme est une
violoniste au jeu très voluptueux mais surtout une chanteuse voluptueuse,
caressant chaque morceau de ses chaudes volutes vocales. Une surprenante osmose
se dégage à chaque strophe, renforcée par une orchestration fonctionnant à
merveille, et structurée par une production magnifiquement léchée. C’est là tout
le travail de Chip Taylor, magicien des sons, sorcier de l’écriture, qui sait
construire une belle atmosphère autour de lui. Cette étrange impression de
plénitude sonore se nourrit encore de la perfection de tous les musiciens,
notamment celle de Bill Frisell à la guitare si inventive, et qui entourent ce
duo d’une intimité ensorceleuse. Ce disque délivre une palette de chansons de
pure beauté, comme hors du temps, à l’émotion garantie, (une faveur pour
l’incroyable titre ‘Elzick’s Farewell’ définitivement ‘ailleurs’, entre
electro-celtique et ballade country). Il consacre définitivement cette
association presque filiale entre une nouvelle grande chanteuse et ce trop
méconnu architecte des musiques américaines. Un plaisir à vivre passionnément,
pourquoi pas à deux, sous le soleil de l’Americana ! [F.R.] |
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