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LES INTERVIEWS DU BLUES CAFE

FRED CHAPELLIER
avec MIGUEL M

Interview réalisée le 17/12/05 et diffusée dans l'émission
Blues Café sur Couleurs FM du 10/01/05
par Cédric Vernet et Francis Rateau

Fred Chapellier et Miguel M ont décidemment beaucoup de points communs. Non seulement ils partagent les mêmes musiciens mais on les voit fréquemment ensemble sur la scène de clubs ou festivals français. Pour couronner le tout, ils sortent chacun un nouvel album à quelques semaines d'intervalle, "L'oeil du blues" pour l'un, "A New Day" pour l'autre.
 
Nous avons rencontré ces deux personnalités de la scène blues française, autour d'un verre, avant un concert tout à fait mémorable au James Café (69). Fred Chapellier et Miguel M nous parlent très librement de leurs actualités, leurs visions du blues, leurs influences et leurs projets ...
 

Blues Café : Fred, ton prochain album sort en février. Quel est l'esprit qu'on retrouvera sur ce deuxième album ?
Fred Chapellier : C'est vraiment la continuité du premier, c'est à dire un blues moderne, assez électrique et chanté en français. La nouveauté c'est que j'ai fait appel à la section de cuivres de Boney Fields sur quelques titres. C'est un trompettiste très connu du milieu blues hexagonal.
 
Blues Café : Au niveau musical, tu tiens toujours à un son assez rock, assez puissant ?
Fred Chapellier : Oui, tout à fait. Ça vient de mes influences. J'ai toujours écouté les bluesmen électriques, BB King, Albert King, Freddie King et Roy Buchanan, mon Dieu absolu. Je suis un adepte de la guitare hautement électrifiée qui hurle, c'est d'ailleurs pour ça que j'aime Buchanan. Mes influences ne viennent pas que du blues, elles viennent aussi du rock avec des guitaristes comme Jimmy Page de Led Zeppelin. Peut-être que, dans 5 ou 10 ans, je ferai autre chose mais pour l'instant c'est ainsi. Quand je commence à composer pour un album, je ne me dit pas "Tiens, je vais faire un album très électrique" ! Je prends ma guitare et c'est le son naturel que j'ai. En revanche, j'ai voulu apporter deux titres acoustiques ce qui est nouveau par rapport au premier. Il y a un titre très blues, standard, et un titre qui navigue entre country-blues et cajun, pour rafraîchir l'ensemble de l'album.
 
Blues Café : Chanter en français, c'est venu naturellement ?
Fred Chapellier : Ça devrait être naturel mais tous les français qui chantent en anglais et qui s'essayent à la langue française disent que c'est 10 fois plus difficile. Ça fait toujours très drôle au départ, pour les auditeurs peut-être moins que pour celui qui essaye ! Au début, j'ai eu du mal à m'écouter chanter en français. C'était très difficile. Même si je pratique correctement l'anglais, je ne me voyais pas composer en anglais. Je voulais dire des choses que j'ai vraiment au fond de moi et je ne voyais pas d'autre manière que de les dire en français. Donc, petit à petit, je m'y suis fait et maintenant ça ne me pose plus de problème. Au contraire, je prends un pied total à chanter en français !
 
Blues Café : Est-ce que, dans ce nouvel album, les textes vont refléter un blues de la vie quotidienne comme c'était le cas sur le précédent ?
Fred Chapellier : Oui, c'est tout à fait ça mais c'est encore plus large au niveau des textes. On y retrouve des thèmes du blues traditionnel, comme dans le titre "Y'en a marre", une histoire d'amour qui finit mal ... J'ai voulu aussi absolument faire un texte sur la télé réalité. Ça s'appelle "Danger TV" et c'est un petit message que je balance sur ces putains d'émissions qui scotchent tous les jeunes. Les textes parlent aussi des licenciements, des délocalisations, des thèmes de tous les jours, de la vie quotidienne. Je regarde beaucoup les informations et j'en tire plein de thèmes intéressants.
 
Blues Café : Est-ce que tu réfléchis à un texte en fonction d'une musique que tu as dans la tête ou c'est l'inverse ?
Fred Chapellier : Il n'y a pas de recette. J'ai composé le morceau "Le Blues", qui était sur le premier album, un matin à 6h. J'étais dans mon lit et la première phrase, "J'suis pas né à Chicago ...", est venue comme ça. Vingt minutes plus tard, j'avais le texte complet. J'ai pris la guitare et j'ai essayé de faire un truc qui groove, assez médium pour qu'on comprenne bien le texte. En 1h15, c'était fini ! Après, il y a des morceaux que je construis à partir d'un riff de guitare, je travaille la musique sur plusieurs mois quelquefois et, en fonction de la couleur du morceau, je choisis le thème et j'écris un texte. Je peux aussi piocher dans un texte qu'on me propose. Si ça cadre avec ce que je pense, je prends. Au niveau des mélodies, du chant, ça vient après en général. Y'a des morceaux qui vont prendre 3 mois, d'autres 3 heures.
 
Blues Café : C'est une habile transition pour accueillir Miguel M car vous interprétez ce titre "Le Blues" ensemble sur ton album "Blues Devil" . On sent d'ailleurs que ce n'est pas un hasard puisque, tout en interprétant des styles assez différents, vous partagez la même vision du blues. Qu'est ce que ça signifie pour vous de jouer du blues quand on est français, en 2005  ?
Fred Chapellier : Il est vrai que quand j'ai écrit cette chanson, j'ai tout de suite pensé à Miguel. Notre combat, c'est de montrer qu'en France aussi, on a beau ne pas être né dans le Mississippi, il y a quand même des gens qui ont le blues !

Miguel M : En fait, qu'on soit blanc, noir, jaune, on s'en fout de ces clichés-là ! Il y a vraiment pleins de bons artistes de blues en France. Certains font très bien du vieux blues, car il y a aussi ce combat là, d'autres font très bien du blues moderne, comme Fred et moi.
 
Blues Café : Miguel, on a parlé de l'actualité de Fred. Et toi, où en es-tu ?
Miguel M : Je suis exactement dans le même projet que Fred, au même moment. Mon album est fini aussi. Cet album là, je le résume en trois mots : émotion, espérance, optimisme. C'est ce que j'essaye vraiment de faire passer dans l'album. Le titre, qui représente beaucoup, c'est "A New Day". C'est un nouveau jour pour moi car je vais essayer de rentrer dans une autre sphère. Dans les influences, c'est une base blues qui part dans le funk, la soul, et le rock parfois. Il y a également des reprises, que peu de gens vont reconnaître sur le moment mais le but c'est aussi de mettre sa patte. Avec cet album, je voulais vraiment dire qu'il y a encore beaucoup de choses à faire dans le blues ! Il y a un petit passage acoustique car ça fait toujours du bien, ça repose ...
 
Blues Café : Quelle est la part des textes en anglais pour toi Miguel ?
Miguel : Elle est importante. Le truc c'est de faire passer le message différemment car les textes se s'écrivent pas de la même façon qu'en français. Pour avoir une écriture littéraire en anglais il faut s'appeler Sting ! Ce qui est important c'est donc de faire passer un message mais j'insiste beaucoup sur l'interprétation. On écoutait tout à l'heure dans la voiture un morceau où BB King fait "I Love you Baby ! I Love you Baby ! I Love You Baby !" pendant 5 minutes ! Tu te dis que c'est énorme comment il l'aime sa femme ! Mais c'est l'interprétation qui fait toute la différence. Je ne connais pas beaucoup d'artistes de blues qui ont une écriture très fine en anglais. Pour moi le message passe aussi plus par l'interprétation. Ça ne m'empêche pas d'avoir une écriture un peu plus littéraire sur des morceaux comme Spain car ça colle au contexte du morceau. Cependant, je ne me considère pas vraiment comme un auteur. J'ai plein d'idées mais c'est plutôt ma douce qui s'en occupe. En général, je compose d'abord la musique puis je vais trouver un thème qui correspond. Je vais en parler tous les jours à ma douce ! De là, elle concentre un texte en tirant les phrases les plus fortes. C'est une manière de bosser qui marche très bien.
 
Blues Café : N'est-ce pas un petit peu contraignant d'être catalogués comme "joueurs de blues" ? Vous n'avez pas envie de faire exploser ces limites pour apparaître sur une scène plus large ?
Miguel M : En fait, ce qui nous bloque c'est le nom "blues". C'est malheureux mais lorsque les gens entendent le mot "blues", ils se disent qu'ils vont se faire chier toute la soirée ! Pourtant, hier soir par exemple, y'avait là une table de 20 personnes dont aucun, j'en suis sûr, n'écoute du blues. Ils se sont tous retrouvés à s'amuser et à danser comme des fous ! Les gens se disent alors "Mais ça c'est un groupe de blues ?". Bien sûr que c'est du blues ! Et ce qu'on entend à la radio, le R'N'B, c'est du blues ! Et le rap, c'est du blues ! Le blues est vraiment partout, il est à la base de tout. Ça c'est un fait. Maintenant, il faut aussi que le milieu blues accepte que le cette musique évolue. Le milieu du blues est censé promouvoir le blues, ce qu'il fait par le biais des radios par exemple. Mais en même temps, il nous met une barrière. Y'a pas d'intérêt à se pointer avec une gratte au vieux son pourri, le chapeau sur la tête et faire du blues des années 50. Le mec qui le fait, très bien, et s'il le fait bien, tant mieux ! Je respecte ce choix ! Mais il faut se dire aussi qu'il y a des artistes comme Fred, comme les Blues and Trouble, comme Boney Fields qui font du blues moderne ... Comment on explique que Boney Fields ne fasse pas plus de grosses scènes blues en France ? Je comprends pas ! Parce qu'il a une tendance très soul, très funk ? C'est pas normal, je trouve ça injuste. C'est le combat qu'on a avec Fred. On a la trentaine, il faut qu'on se bouge, on se doit de jouer une musique de notre époque, de ce qu'on a écouté, de nos influences. A mon époque, j'écoutais la musique des années 80, de la funk, de la soul. Ce qui ressort dans mon album, c'est forcément ça. Je ne peux pas être quelqu'un d'autre. J'essaie d'être vraiment moi-même.
 
Blues Café : Tu n'as quand même pas l'impression que le milieu blues a beaucoup évolué, qu'il s'ouvre beaucoup plus que par le passé ?
Miguel M : Je suis entièrement d'accord. Ceci dit, il y a 4 ou 5 ans de ça, les programmateurs comme les gens du milieu nous ont dit que ça allait changer. Mais attendre 5 ans pour qu'on nous ouvre enfin les portes des grands festivals de blues, qu'on nous permette de jouer devant 5 000 personnes, c'est très long !

Fred Chapellier : Le combat que je partage avec Miguel c'est d'essayer d'amener le blues vers autre chose. Il n'y a pas d'intérêt à mettre le chapeau, les santiags et de jouer du Stevie Ray Vaughan toute la soirée. Stevie Ray c'est un Dieu, il l'a fait et c'était super. Maintenant, il faut prendre ses influences et essayer de faire du blues à sa manière, c'est d'ailleurs pour ça que je chante en français. C'est faire du surplace que d'essayer de jouer Sweet Home Chicago avec le vieux son pourri ! Je suis complètement de l'avis de Miguel là dessus. On essaye, à notre manière, avec nos influences à chacun, d'amener le blues vers un autre étage. Le blues, c'est vraiment ce qu'on a dans le ventre. Chacun le fait à sa manière et avec émotion, passion et conviction.
 
Blues Café : Vous interprétez chacun des styles assez différents, malgré ça vous partagez les mêmes musiciens, on vous voit très fréquemment sur les mêmes scènes et pour couronner le tout, vous êtes deux amis ... c'est assez incroyable non ?
Miguel M : Oui c'est vrai, c'est incroyable. En fait, ça ne me trompe pas un mec sur scène. Quand j'ai vu Fred la première fois, je me suis dit qu'il avait tout compris ! Tu sens qu'il joue avec son coeur. Je le respectais déjà beaucoup pour ça. Petit à petit, en se voyant dans le milieu, on est vraiment devenus très potes. On arrête pas de s'aider. Dès que je suis sur un festival et que le concert s'est super bien passé, je branche le programmateur sur Fred en lui mettant son dernier album dans les mains ... Fred mérite, comme beaucoup d'artistes en France, de passer un cap.
 
Blues Café : Fred, sur scène, tu joues tes propres morceaux mais aussi pas mal de reprises. C'est une étape obligée ?
Fred Chapellier : Non, il n'y a absolument rien d'obligatoire à notre niveau. C'est vraiment pour me faire plaisir et pour faire plaisir. Je comprends que sur une heure et demi de concert, le public ait envie d'entendre un bon Freddie King ! Je prends un énorme plaisir à reprendre quelques standards. Je le fais avec autant de coeur que quand je joue mes propres compos.
 
Blues Café : N'êtes-vous pas tentés par certaines expériences musicales proches de ce qu'on appelle le "new blues" qui intègre de l'electro, du rap, de la world music ?
Fred Chapellier : Pour l'instant non. J'y ai songé mais je ne le sens pas. Ce n'est pas la peine de le faire si ce n'est pas naturel. Peut-être que dans 5 ans, je sortirais un album de country rock ou de blues electro mais pour l'instant j'aime trop pouvoir jouer sur scène les morceaux qui sont sur les albums avec une vraie section rythmique, assez traditionnelle quand même.

Miguel M : Pour ma part, j'ai vécu une expérience de ce type puisque j'ai été invité à chanter sur un morceau de rap avec une chanteuse américaine. C'était vachement sympa à faire. En même temps, je me dis que cette musique là vient du funk donc forcément du blues ! C'est intéressant à faire mais ça ne me tente pas maintenant car on met déjà beaucoup de temps pour trouver son propre style.
 
 
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