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LES INTERVIEWS DU BLUES CAFE

CHRISTOPHE GOFFETTE
Interview réalisée le 06/09/04
par Cédric Vernet et Francis Rateau

"De la musique avant toute chose", tel est le slogan du magazine Crossroads dont Christophe Goffette est le rédacteur en chef ainsi que le directeur de la publication. Près de 24 numéros après le coup d'envoi de cette grande aventure en novembre 2001, Crossroads est devenu un titre incontournable de la presse rock. Ce succès rapide tient, sans doute, à une ligne éditoriale originale qui fait une part très importante aux musiques cousines, le blues en première ligne.

Rencontre avec le chef d'orchestre de ce magazine polyphonique ...
  

Le Blues Café : Christophe, on a l'impression que les magazines s'étaient un peu endormis dans le monde du rock. Et puis Crossroads a surgi. Comment est née cette idée ?
Christophe Goffette : Au départ, Crossroads était prévu pour être le premier satellite d'une série de 4 ou 5 autour du du magazine Compact. L'idée était que Compact reste un magazine généraliste, donc pluridisciplinaire. J'ai imaginé Crossroads comme une entité roots, rock à l'ancienne, old school et puis j'ai eu envie de faire un magazine de world music écrit par des passionnés. Le fait est que Crossroads a eu un succès très progressif - qui n'a d'ailleurs toujours pas décliné - au point de rattraper puis de dépasser Compact ! Lors de la fusion des deux magazines, Compact est donc venu se cacher à l'intérieur de Crossroads.
 
Le Blues Café : Est-ce à dire que les lecteurs de Crossroads ont envie de revenir aux racines, à l'essence même du rock'n'roll ?
Christophe Goffette : Je pense que c'est vraiment un jeu de ping-pong entre les gens qui font le magazine et les gens qui le lisent. Ils sont d'ailleurs assez proches, ce sont d'abord des passionnés. Une partie des gens qui écrivent dans le magazine étaient avant des lecteurs. Ceux qui font le magazine le lisent aussi, moi le premier. On appartient tous un petit peu à la même famille. On a des goûts un peu différents les uns des autres mais on essaye de se retrouver, d'où le nom du magazine, "Crossroads", le carrefour ..
 
Le Blues Café : Cette relation très proche avec tes lecteurs se ressent très vite. Il suffit de lire les éditos dans lesquels tu n'hésites pas à interpeller les lecteurs très directement. Est-ce là aussi une des particularités du magazine ?
Christophe Goffette : Pas mal de monde s'est fait allumer dans les éditos. C'était essentiellement des gens du business ce qui est logique car on est là pour râler, que les disques sont trop chers, qu'on ne les trouve pas et ainsi de suite ! Et puis est arrivée cette histoire de concert à l'Olympia où j'ai été forcé de pousser un coup de gueule contre les lecteurs. C'était un cadeau qu'on leur faisait et c'est devenu un calvaire qui, par la force des choses, s'est plutôt bien terminé. Ce concert avait été organisé dans un but bien précis : faire venir des artistes qui ne jouaient plus en France ou qui n'étaient jamais venus, tout ça en même temps et tous styles confondus. L'idée était donc de répondre à une attente et aux courriers qu'on reçoit sans arrêt de gens qui se plaignent qu'il ne se passe rien en France. On a créé cet événement et il ne s'est pas passé grand chose non plus ... ça m'a donc un peu mis en colère.
 
Le Blues Café : Une fois les soucis liés à l'organisation passés, on imagine que cette nuit t'a laissé de bons souvenirs musicaux ?
Christophe Goffette : Oui bien sûr. Il y a certes le stress du moment, les problèmes à régler, on croit qu'on ne va jamais s'en sortir. Mais le temps passe et il y a bien un moment où le concert va démarrer et donc se finir et on oubli les problèmes. Aujourd'hui, je reste sur le bilan humain et musical qui est vraiment très positif. On est resté en contact avec tous ces artistes, dont on connaissait déjà plus ou moins la plupart. On a gardé des contacts aussi avec ceux qui n'ont pas pu venir. C'est le cas par exemple avec John Mellencamp, dont l'emploi du temps ne lui permettait pas d'être avec nous, mais avec qui nous avons noués des liens très utiles pour la suite des événements, pour un autre concert par exemple. Enfin, ça a renforcé la passion qu'on a partage avec les lecteurs qui sont venus, il y avait tout de même 1700 personnes.
Et puis, il me reste la petite fierté qui m'amuse beaucoup, celle d'avoir battu un double record : le concert le plus long jamais fait à l'Olympia puisqu'il a duré jusqu'à 4h20 du matin et le nombre d'artistes le plus important sur la scène de l'Olympia, 69 musiciens en tout.
 
Le Blues Café : C'est donc tout l'esprit Crossroads que l'on a rencontré à l'Olympia ?
Christophe Goffette : Oui, il y avait aussi cette idée de couper les barrières. Ce que je n'aime pas dans la presse c'est aussi ce que je n'aime pas dans le music business, c'est à dire qu'on place les musiciens un peu à l'écart et tout le monde se regarde de haut. L'après midi au Hard Rock Café où les lecteurs ont pu rencontrer les artistes, faire signer des autographes, discuter avec eux a été, pour moi, presque plus important que le concert en lui-même.
 
Le Blues Café : Tu sembles très attaché à ce que le magazine garde un rôle de découvreur de nouveaux talents. C'est une volonté forte n'est-ce pas ?
Crossroads #1Christophe Goffette :  Oui. Ce dont j'avais très peur avec ce titre c'était de se retrouver dans une sorte d'impasse nostalgique. Il faut dire que nos sommaires sont très tournés vers le passé donc le danger existait. C'est pour cela que le tout premier numéro de Crossroads avait Ryan Adams en couverture. C'était important pour moi de mettre en avant un mec de 26 ans, qui a un talent pur et s'inscrit directement dans la lignée de toutes les choses que l'on voulait défendre.
 
Le Blues Café : Parlons-en justement. Dire que Crossroads tente de défendre les "rockeurs à racine" comme le dirait Little Bob constitue une bonne définition du magazine ?
Christophe Goffette :  Oui mais j'évite de définir trop le magazine pour ne pas s'enfermer dans une étiquette. Au départ la baseline - la ligne qui se trouve sous le titre du magazine - reprenait tous les styles musicaux. Ensuite, on a gardé celle de Compact au moment de la fusion des deux magazines : "De la musique avant toute chose", une citation de Verlaine. Ca définit vraiment bien le magazine. On met d'abord les musiciens en avant, d'abord les compositions, indépendamment de la taille de la maison de disques, de savoir si le disque va être trouvable en supermarché ou sur internet. On parle de ce qui nous plait, de ce qu'on a envie de faire partager et ensuite on trouve un écho ou pas chez les lecteurs, tout simplement.
 
Le Blues Café : N'est-ce pas une gageure de monter un magazine de musique et de rock en particulier dans les temps actuels ?
Christophe Goffette :  Je suis assez partagé. Ce n'est pas le premier que je monte mais c'est le premier qui est ainsi donc il doit y avoir une raison. Le fait que Crossroads soit tel qu'il est, très rock et roots, est sans doute une réponse à plein de questions ou de problèmes que j'ai pu accumuler à travers les années. Il y a un public qui en a marre qu'on se foute de sa gueule. Crossroads est un magazine bourré de défauts mais qui est très humain et donc accepté comme tel. Ce n'est pas un magazine très réfléchi, j'essaye de ne pas privilégier un style plutôt qu'un autre même si des fois l'actualité fait qu'on va plus vers un style. Ca dépend aussi de ce que proposent les gens qui participent au magazine. Le magazine évolue beaucoup en fonction des gens qui écrivent dedans.
 
Le Blues Café : On y sent d'ailleurs beaucoup de passion et une très grande liberté !
Christophe Goffette :  Ce magazine, ainsi que Brazil, un magazine de cinéma qu'on édite, sont les deux seuls magazines à ma connaissance où il n'y a aucun calibrage. La personne qui écrit a donc une liberté quasi complète à partir du moment où on s'est mis d'accord sur le sujet. Il y a très peu de relecture comme dans la plupart des magazines où une succession de filtres fait qu'à la fin tout est lisse et transparent. J'essaye de garder le grain et la fibre de chaque personnalité. D'ailleurs, les qualités de plume sont très différentes. Certains écrivent mieux que d'autres dans un absolu littéraire mais je n'y prête pas attention. Ceux qui ont des défauts m'attirent même souvent plus et ce sont eux que j'ai le plus de plaisir à lire.
 

Le Blues Café : L'originalité de Crossroads réside aussi dans la place qu'y occupent les musiques cousines au rock, le blues notamment ...

Christophe Goffette :  Oui mais je trouve plutôt bizarre que les autres ne le fassent pas ! On ne s'est pas dit "on va le faire parce que les autres ne le font pas". On s'est juste dit qu'on allait le faire car ce sont des musiques qui comptent, sur lesquelles il y a des choses à dire. Je suis vraiment plus que surpris de la mollesse actuelle de la presse qui s'en fout ! Je connais bien les gens de ces magazines, même si j'essaye d'éviter les soirées mondaines, ils s'en foutent ! Le disque doit arriver dans leur boîte aux lettres, plutôt cinq fois qu'une, et c'est tout !
 
Le Blues Café : Merci Christophe d'avoir passé un moment avec nous dans Le Blues Café et longue vie au magazine et à l'équipe qui l'anime avec passion.
Christophe Goffette :  Merci de m'avoir accueilli. Je pense qu'il y a de belles heures devant nous dans la mesure où il reste encore beaucoup de sujets à défricher. On s'attarde sur des artistes sur lesquels il y a eu très peu de choses d'écrites. On s'est par exemple aperçu en travaillant sur le numéro dont Mark Knopfler fait la couverture qu'il n'y avait jamais eu le moindre article sur la période après Dire Straits. En 12 ans, personne n'a écrit quoi que ce soit sur Mark Knopfler en dehors de quelques interviews éparpillées. On a rattrapé le retard !
 
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