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LES
INTERVIEWS DU
BLUES CAFE |
BONEY FIELDS & NADEGE
DUMAS
Interview réalisée le 15/05/2006
par Cédric Vernet et Francis Rateau
La
machine festive du Bone’s Project s’est emballée avec la sortie du nouveau
projet de Boney Fields ! Voilà un album
chaloupé de rythmes aux mille couleurs, et infecté de musiques noires, Funk
music, R&B, Soul, Blues, dont ce trompettiste, né dans le ghetto de Chicago,
a été bercé dès son enfance. "We Play The Blues" est aussi une évidence
jetée à la face de ceux qui en doutaient peut-être encore ! Au cœur du
dispositif Bone’s Project, il y aussi une femme,
Nadège Dumas, la complice de toujours, saxophoniste, promoteur,
manager, et celle qui partage la vie de Boney Fields. Tirs croisés entre
Boney et Nadège…
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Cet album est un album en famille, avec
tous les musiciens du Bone’s Project mais aussi des invités … |
Boney Fields : Je voulais que cet
album soit spécial, et tous ces invités pour moi c’est la cerise sur
le gâteau.
Nadège Dumas : Oui et dans cette grande famille, il y a d’abord
l’ami de toujours, Lucky Peterson. Et puis Fred Wesley, un trombone
qui a joué pendant des années aux côtés de James Brown. Comme la
chanteuse Martha High qui officiait, elle, comme choriste dans le même
orchestre. Il y a encore Corey Harris, pour un titre acoustique, et
notre ami JJ Milteau.
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Il faut aussi rappeler que Boney Fields
vient de Chicago, où le blues est roi ! C’est d’ailleurs assez
impressionnant de citer tous les gens avec qu’il a joué, James Cotton,
Junior Wells, Smokey Wilson, Albert Collins, Lucky Peterson, et bien
d’autres encore… |
ND
: Oui c’est vrai qu’ayant tourné avec tous ces gens-là, à priori, on
peut faire confiance à Boney sur sa pratique du blues. Il avait
constitué sa propre section cuivre et c’est pour cela qu’il a joué
avec plein de gens qui en cherchaient. Pas souvent très longtemps,
mais en tout cas ce fut de bonnes occasions. Le dernier en date fut
Luther Allison, juste avant qu’il nous quitte…
BF : Jouer avec tous ces artistes a été une expérience très
instructive pour moi. Ça m’a donné l’idée et l’envie de monter mon
propre groupe. J’étais très proche humainement de la plupart de ces
bluesmen ; il ne s’agissait pas seulement d’une relation
boss/musicien, mais d’une véritable amitié. Je considérais Luther
comme mon père …
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La rencontre avec Lucky Peterson semble
avoir été fondamentale ? |
ND : C’est une rencontre qui date
tout de même depuis plus de 20 ans ! Quand ils se sont croisés à
l’époque, Lucky devait avoir environ 17 ans et il avait promis à Boney
que lorsqu’il aurait son groupe, il l’appellerait. Cela s’est fait
plus tard !
BF : En fait, c’est moi qui l’ai appelé (rires). Je voulais
quitter Chicago. Alors j’ai appelé Lucky pour voir ce qui se passait
de son côté. Et immédiatement il m’a dit : « Tu veux bosser ? » et je
n’ai pas demandé combien il allait me payer, combien de dates ou ce
genre de choses. J’ai juste dit « oui ». Lucky m’a envoyé un billet
d’avion et quelques jours plus tard j’étais en route pour le Texas.
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"We Play the Blues", pourquoi ce titre
? |
BF
: Mon idée c’est vraiment de jouer un Blues différent ; on n’a pas
envie que le Bone’s Project soit catalogué comme un groupe de Blues
ordinaire, juste un groupe supplémentaire parmi tant d’autres. Et avec
toutes ces cultures différentes dans le groupe, on peut intégrer des
idées, des rythmiques, des riffs qui sonnent différemment, et font
l’identité du Bone’s Project. C’est du Blues, mais à notre manière.
ND : Le blues, c’est ce qu’on fait depuis toujours ! Mais il
est vrai que certaines personnes, du fait des influences un peu
multiples, funk music ou world, ont parfois tendance à considérer que
Boney fait autre chose que du blues ! Comme si celui-ci devait se
limiter à de la guitare et du shuffle ! On estime que non, c’est la
musique qu’on joue et qu’il y a plein d’influences dans cet album,
mais que cela reste quand même du blues à la base. Boney se revendique
d’ailleurs comme un vrai bluesman.
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C’est donc un message ! C’est donc si
difficile d’afficher une certaine ouverture dans le Blues ? |
ND : Parfois oui. Pour Boney, en
tout cas, c’est du blues, le sien, peut-être pas toujours académique
mais le sien ! Et la palette est large dans cet album, puisqu’il y a
aussi des choses plus roots avec un titre en compagnie de Correy
Harris! Après tout, le blues est avant tout un état d’esprit, une
attitude, un feeling….
BF : Je crois qu’il faut se démarquer, et chaque artiste
devrait avoir sa propre identité musicale.
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Boney, tu es le leader de la formation,
mais tu sais en même temps te mettre en retrait, peut-être pour mieux
laisser les autres musiciens s’exprimer, avec beaucoup de tact, de
complicité et de convivialité ... |
BF : J’aime partager la scène. Je
n’ai pas envie d’être le point de mire toute la soirée, alors qu’il y
a tant de musiciens talentueux dans le groupe. Je pense que ça me
vient de mon passé de sideman. Chacun doit pouvoir s’exprimer
et avoir l’opportunité de montrer ce dont il est capable.
ND : En effet, et chacun est à sa place ! Surtout en concert.
Peut-être moins sur l’album car il y avait des invités. Boney, c’est
quelqu’un qui a du charisme, qui est très présent sur scène, mais qui,
en même temps, sait effectivement s’effacer pour laisser toute la
place à ses musiciens. Il est très fier de les laisser s’exprimer, et
de développer leur talent. Et c’est pour cela aussi que le disque
s’appelle "We" play the Blues, et non pas "I" play the blues !
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Peut-on concevoir la musique de Boney
Fields s’ouvrant plus encore vers d’autres champs tels que la world,
le reggae… ? |
BF : On se sait jamais vers quel
style de musique le Bone’s Project est capable de s’orienter. Car ces
gens-là peuvent à peu près tout jouer, mais ce n’est pas vraiment
prémédité. On travaille sur un titre, et au final ça donne quelque
chose de vraiment blues, ou plutôt funk, ou carrément des accents
reggae sans que ce soit établi au départ.
ND : Il y a, en effet, un peu de reggae sur certains morceaux,
au moins dans la rythmique, et même quelques touches de world music,
donc pourquoi pas ? Mais cela reste bien intégré dans le groove du
blues et du jazz ! A noter que la plupart des musiciens ont joué aussi
avec d’autres artistes qui n’étaient pas seulement orientés dans le
blues et Boney lui-même a collaboré avec, par exemple, Alpha Blondy.
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Parlons aussi des origines des
musiciens du Bone’s Project : Martinique, Ile Maurice, Sénégal,
Danemark, States, France, voilà de l’ouverture ! |
BF : Là aussi, ce n’était pas
calculé. Je ne cherchais pas un sénégalais, un italien, etc.… Mon idée
c’était juste de trouver des bons musiciens. Ça aurait très bien pu
être des tous des français. Mais ça s’est trouvé autrement. Et c’est
aussi ça la spécificité du Bone’s Project. Il n’est pas très fréquent
d’avoir autant de cultures différentes réunies dans un groupe.
ND : Oui ! Boney ne les a pas choisis spécifiquement pour leurs
origines mais surtout pour leur qualité musicale, leur talent, et leur
personnalité, car c’est aussi une aventure humaine. Il se trouve
pourtant que chacun apporte sa petite touche culturelle.
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A l’écoute, on ressent une envie
communicative de faire la fête, comme pour montrer que le blues est
aussi une musique joyeuse ? |
ND
: C’est complètement ça ! Boney se sent investi d’une sorte de
mission, divertir les gens. Le gang est là pour s’amuser et donner du
plaisir. Have a good time !
BF : La musique que j’aime jouer, c’est celle qui rend les gens
heureux, qui les fait sourire, se sentir bien, leur donne envie de
danser. Il faut que ce soit vivant. Ça me donne l’impression que je
fais un truc bien. Je ne m’imagine pas une seconde jouer une musique
ennuyeuse, qui fait bailler les gens ou les endort …
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Lorsqu’on regarde la pochette du
disque, on retrouve des personnages qui préfigurent tous les types de
publics, de la petite mémé avec son cabas et ses poireaux, jusqu’au
rasta et au biker… Ce n’est certainement pas un hasard ? |
ND : Exactement ! C’est symbolique
mais cela veut tout dire : notre musique est faite pour tous !
BF : La pochette représente des gens qui s’éclatent, et c’est
ce qu’on essaye de dire : on est là pour vous faire passer un bon
moment, quelque soit votre âge, votre statut social… On dit souvent
que le Blues n’est pas davantage médiatisé car c’est une musique de
vieux, de « has been ». Mais j’ai remarqué que les jeunes, pas
forcément branchés blues au départ, quand ils viennent à mes concerts,
sont parmi les spectateurs les plus enthousiastes ! Je lis parfois
dans les articles de presse que le Bone’s Project dépoussière le Blues
! J’espère bien ! En tous cas on fait tout pour !
Sur le web :
www.boneyfields.com |
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